Je ne saurais expliquer, c’est une sensation étrange. Tout semble avoir changé tout autour de moi, ou peut-être est-ce moi, qui perçois désormais mon environnement différemment. Cela fait près de deux semaines que j’ai ressenti cette distorsion de l’espace et du temps. Depuis le temps que j’espérais ce moment. Ce fut bref, mais décisif, les murs ont vibré, une onde de choc semblait avoir déchiré le voile de la réalité. Puis, il y eut l’obscurité, un bandeau épais semblait s’être posé sur mes yeux. Je me suis senti guidé, pris par la main pour m’emmener ailleurs, comme happé par une vague sur laquelle je ne voulais lutter. Cela faisait déjà si longtemps que je me sentais prisonnier des deux mondes, dans cette antichambre, où pour meubler mon ennui, je retranscrivais sur les parois miroitantes, mes pensées et mes rêves.
L’onde m’avait fait traverser le miroir, m’entraînant ainsi dans une autre réalité. La vague était douce, et mon âme qui avait lâché prise avait entièrement confiance. Une force m’inclina la tête afin que je passe par une porte minuscule, je me sentais comme dans le conte de Caroll Lewis. Était-ce donc là, de l’autre côté du miroir ? Bien que j’entendisse au loin une musique étrange, je n’avais pas peur de cet univers inconnu. Puis, comme un insecte qui se pose sur le pétale d’une fleur, je me suis arrêté et il y eut le silence. Pas un bruit, pas un mot durant quelques secondes, il n’y avait que moi et le silence. Je crois que je ne l’avais jamais écouté. Bien qu’il fût bref, il semblait avoir plein de choses à me raconter. Mais une voix l’interrompit…
C’était une voix douce et calme qui me mettait en confiance. J’étais en sécurité, je le savais, mais je ressentais cette énergie douce et puissante à la fois. Je n’avais encore jamais senti cela. Il était certain que j’étais dans un autre monde. La voix me posait des questions, elle semblait tout savoir sur moi. Je savais que je ne pouvais mentir. Mais en étais-je encore capable ? Si je me trouvais là, c’est que j’avais parcouru l’enfer et qu’a aucun moment, je n’avais vendu mon âme. Durant mon parcours, je ne pouvais me rabaisser à cela. Je ne voulais pas finir comme tous ces autres avec le regard vide et creux, leurs bas-morceaux animés par leurs plus bas-instincts. Non, je ne voulais pas finir ainsi. La voix le savait, elle savait que je m’étais échappé des cercles infernaux et de ses dédales. Elle me demanda pourquoi. Pourquoi avais-je fait tout ce chemin ? La question était vaste, mais de tout mon cœur, je lui ai répondu. Puis, il y eut les autres… D’autres voix, d’autres questions, toutes aussi en douceur, toutes aussi bienveillante. Je savais ce qu’ils faisaient… Ils sondaient mon cœur, mon esprit, mais aussi mon âme. Je répondais à brûle-pourpoint, comme dans une plaidoirie de mon jugement-dernier. La voix reprit la parole, et me posa une ultime question. Avais-je fait fausse route ? Avais-je suivi un chemin qui ne m’était pas destiné ? Malgré tout, je lui ai répondu en toute honnêteté. Certes, la voie que j’avais prise m’avait été bien inconfortable, souvent, j’avais trébuché, surmonté des obstacles, mais j’avais été plus loin que ceux de ma lignée. Jamais je n’avais fait marche arrière, toujours de l’avant, sans haine et sans rancœur, j’avais su écouter mon cœur afin qu’il puisse me guider. Et il m’avait mené jusqu’ici. La voix me remercia, puis la vague m’invita délicatement à la suivre. Au loin, j’entendais cette musique étrange en guise d’au revoir. La force me fit passer cette étrange porte. C’est à ce moment seulement que j’ai pu ouvrir les yeux. Je m’étais réveillé, sorti d’un bien étrange rêve. Pourtant, la nuit commençait tout juste, et minuit n’avait pas encore sonné. Je me retrouvais là, à la croisé des chemins, là où tout commence, et là où tout fini. Je me suis assis à même le sol, et j’ai pleuré. Oui… Je l’avoue, j’ai pleuré. Je me suis levé, tout en séchant mes larmes. Je venais de comprendre ce qui s’était passé. Les questions résonnaient encore au plus profond de moi, et le coup de grâce avait enclenché le processus psychique.
Depuis ce jour, l’écho des questions résonne encore et toujours, me tuant à petit feu. Le poison était programmé, c’est une agonie lente, mais tout en douceur. Est-ce cela qui me fait désormais percevoir ce monde différemment ? Quand on a conscience de sa mort prochaine, plus rien ne peut se percevoir comme avant. Depuis, le temps s’est adapté, je prends mon temps pour ne plus jamais le perdre. Mais je sais que de cette visite, je ne suis pas revenu seul. Une chose est venue afin de m’accompagner. Le silence… Je sais, le silence est là. Je l’entends, je l’écoute, il me murmure. Il me dit de ne pas avoir peur, il m’instruit, m’inspire et puis, il me rassure, car il m’appelle par mon prénom…
S.V – 7/6/2017