
Elle se distinguait parmi les autres, dans la foule. Tous détournaient leurs regards à son passage. Une démarche féline, une prestance très féminine avec sa petite robe légère et ses chaussures à talons assorties et ses cheveux roux qui flottaient dans la brise légère… Sans exception, tous auraient vendu leur âme afin qu’elle daigne seulement les regarder. Son tatouage, deux roses rouges symbole de passion, ne jurait pas. On aurait dit, qu’Eve s’était échappée durant un instant du jardin d’Éden.
Elle était la femme, celle que les hommes regardaient avec envie d’assouvir leurs bas instincts et celle que les femmes enviaient d’avoir toutes cette attention portée autour d’elle. Je la surnommai, Rose. Du nom de cette fleur qu’elle arborait fièrement sur cette jambe droite. Elle s’avançait vers moi, son titre de transport à la main et valise dans l’autre… Un détail me choqua, une allure si gracieuse… Mais un visage sans sourire… Le regard terne, comme aveuglé par trop de lumière artificielle. Il n’y avait qu’une apparence, au fond de ses yeux. Je distinguais nettement ce papillon de nuit qui s’était brûlé les ailes sur ces lumières artificielles.
Bien que dans la fleur de l’âge, elle n’était pas fanée. C’était une fleur close, mal cueillie, que des jardiniers trop hâtifs essayaient d’effeuiller, trop avide de cette beauté qui ne demandait qu’à s’épanouir. Il ne lui manquait pas grand-chose… Juste un sourire et des étoiles dans les yeux… C’est cela qui rend les femmes belles. Le reste n’est que superflu… Cette jeune femme qui se tenait devant moi, n’était qu’une chimère. Elle voulait briller, mais n’y arrivait pas. Tous ces regards braqués sur elle, la gênaient. Rose était méfiante ; ces regards lubriques, lui arrachaient ses vêtements. J’entendais les murmures de leurs esprits. Ces hommes la violaient littéralement du regard. Ces insectes voulaient butiner le pistil de sa fleur… Les autres femmes semblaient avoir disparu ; les attentions étaient braquées sur elle, tels des projecteurs sur une artiste en scène, mais ce n’était ni une comédie, ni une tragédie que ces spectateurs attendaient. Chacun de ses mouvements était scruté méticuleusement. Attirer tant de regards pourrait sembler être une bénédiction, mais dans son cas, c’était plutôt le contraire. Cela se ressentait qu’elle aurait voulu se fondre dans la masse, qu’on l’ignore… Mais non… Les spectateurs attendaient des sensations fortes…
Rose, n’était qu’une jeune fille comme les autres. Les sirènes médiatiques l’avaient attirée, et à cet instant, je ne voyais qu’une jeune femme gauche, que les marins d’eaux troubles allaient faire chavirer. Quand les projecteurs s’éteignent, on se rend compte que les lumières artificielles ne nous attirent que vers des lieux tristes et sordides. Pauvre Rose, la tristesse se lit dans ton regard… Tu essayes de devenir quelqu’un, mais tu en oublies d’être toi-même… Le long des autoroutes du Styx, le passeur d’âme t’emmène. Dans tes yeux, je devine que tu quittes un enfer, mais à cet instant, c’est dans un autre que je te conduis… Puis, sans même un sourire, je la vis s’éloigner sur le quai de cette gare. Je voyais cette jeune femme, ancien vilain petit canard, devenue petit chaperon aux couleurs de la passion marchant dans cette jungle urbaine. Elle annonçait la saison des amours passionnées, mais malheureusement éphémères. Les loups affamés avec leurs regards vicieux, étaient également au rendez-vous… Elle fit quelques pas et déjà les prédateurs étaient à ses trousses…
©S.L