Un frisson me parcoure l’échine… Quelle agréable sensation ! Qu’il est bon de ressentir cela alors que l’on ne l’a quasi jamais ressenti. L’impression que d’être pieds et poings lié, tout en étant libre de ses mouvements. J’avais le choix de fuir ou de rester et d’affronter ce regard qui me fixait. Je ne suis pas un lâche ! Je ne fuis pas, je n’en ai aucunement le droit, sans quoi ce serai me renier. Ce regard en aurait fait pourtant fuir plus d’un, où alors les plus faibles d’entre eux auraient baissé leurs regards. Mais je n’ai pas fui… Ce regard a transpercé mon âme, et en a lu l’intégralité. J’aurai très bien pu baisser les yeux, faire comme ces autres faibles et misérables. Mais je ne suis pas comme eux… Je n’ai pas envie de me rabaisser à leurs niveaux. Durant trop de temps, on m’a reproché de ne pas être comme tous ces autres… Le rejet, je le connais par cœur. Mais je ne pouvais accepter d’être comme ces autres hommes. Je ne pouvais abandonner, je me l’interdisais. Je n’étais pas coupable de leurs crimes. Elle aurait pu croire que mon insistance était de la défiance, mais loin de là cette idée. Cette insistance, c’était une marque de respect envers elle. Elle se tenait là, face à moi, l’allure fière et majestueuse. Elle n’avait jamais abdiqué devant cette horde de mâle, elle était toujours restée fière devant eux. Et moi, je me trouvais face à elle, simplement, sans aucun artifice. Elle était la femme, moi, je n’étais rien.
Elle aurait pu me gifler de maintenir ainsi mon regard, mais elle ne le fit pas. Elle voyait bien que je n’étais pas comme ces autres. Je baissai ma garde, et la salua avec tout le respect que je lui devais. Elle me souriait… Ce sourire plein de compassion qui efface toutes ces blessures. Elle tendit sa main vers mon visage, et de sa main douce mais ferme, elle me saisit par le menton. Son regard se fit plus insistant et son ton plus dur. Elle désirait voir la peur dans mon regard. Mais c’était sans crainte que je continuai à la regarder. Elle tourna autour de moi, me déshabillant du regard, me scrutant dans les moindres détails. Je ne tremblai pas, je ne connaissais plus la peur. Elle essaya de me surprendre, mais je ne cillais pas. C’est alors qu’elle posa sa main sur mon visage, tout en me regardant fixement, elle m’adressa la parole.
— Tu es bien présomptueux de regarder ta souveraine ainsi. Sais-tu ce qu’il en coûte ?
— Oui, Madame !
— Es-tu venu pour m’affronter et me voler mon royaume ? Dit-elle en continuant à scruter l’intérieur de mon âme.
— Non, loin de là ! J’ai suivi mon instinct. Mon cœur est la lanterne qui allume mon chemin, et celui-ci m’a guidé jusqu’à vous.
— Tu mens !
— Pourquoi mentirais-je ? À quoi cela me servirait si ce n’est que mentir à moi-même ? Je n’ai point envie de me renier !
— D’où viens-tu, jeune palefrenier ?
— Je viens de l’enfer.
— Si tu viens de l’enfer, comment puis-je te croire ? Tu es forcément démon !
— Non, madame… Ces lieux, je les ai observés, écoutés et analysés. J’en connais les moindres secrets.
— Si tu en connais les moindres secrets. Tu es forcément un des leurs.
— Non. Car j’en ai percé les secrets.
— Et que compte tu en faire de ces secrets ?
— Je l’ignore totalement. Mais j’ai l’envie de changer ces lieux, et d’en faire un endroit plus agréable que ce qu’il n’est actuellement.
Elle me dévisagea longuement. Elle y vu clairement, que je ne mentais pas. Elle baissa la tête tout en la secouant en signe de négation. Puis le va les yeux au ciel.
— Mon Dieu ! Que vais-je faire de toi ?
— Je l’ignore.
— Connais-tu la peur ?
— Non, madame…
Elle serra fortement mon menton.
— Serais-tu prêt à défendre ma cause ? Je te laisse le choix… Tu as de la chance. Tes congénères ne l’ont pas habituellement.
— Si ce n’est pour n’être qu’un esclave, cela ne m’intéresse pas !
— Jeune présomptueux ! Tu mériterais que je te claque pour cet affront !
— Ce n’est pas un affront ! Je dis ce que je pense. Comprenez, Madame, que j’arpente un chemin de vérité.
Elle marqua un temps d’arrêt, tout en continuant à me dévisager.
— Tu n’as pas l’air d’un mercenaire, ni d’un brigand ou un de ces hommes de petites vertus ! Je ne te poserai cette question qu’une seule et unique fois… Comprends-tu ?
— Oui, je comprends très bien.
— C’est un signe d’intelligence de ta part. Il est vrai que des esclaves, j’en ai des tas. Un de plus ne serait qu’un jeu auquel je me lasserai très vite…
Elle planta alors son regard définitivement, tel un poignard que l’on pose sous la gorge.
— Acceptes-tu alors de devenir mon chevalier ?
Ces mots, j’en avais tant de fois rêvé. Moi, le jeune palefrenier que j’étais… En ce moment même, l’impératrice en personne, me proposait de m’adouber. C’est alors, qu’en signe d’allégeance, je mis un genou au sol. Tête baissée au départ, remontant lentement la tête en sa direction. Je vis son regard briller. Non par satisfaction d’avoir mis un homme à genoux devant elle, mais heureuse d’avoir trouvé un allié pour défendre sa cause. Elle claque des doigts, et un de ses suivant apporta une longue épée. Je sentis la lame se poser sur mes épaules, puis du bout de sa lame, elle me redressa le visage.
— Sais-tu ce qui t’attend si tu me trahis ?
— J’en ai très bien conscience ! Mais cela n’arrivera pas.
— Comment puis-je te croire ?
— Car nous servons la même cause ! Je le sais à présent !
L’impératrice me sourit, et m’invita à me relever.
— Sois brave et fier, jeune chevalier ! Et que ton cœur reste pur !
— Je n’y manquerai pas. J’en fais le serment !
La souveraine me prit alors la main et me lança un regard complice.
— Venez mon brave chevalier servant, venez me narrez les secrets de l’enfer… En échange de vos bons et loyaux services, je vous enseignerai ceux du paradis…
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